Episode #1: Charlie Fisher

Listen to this episode from Musicians' Teatime on Spotify. Gabriel Chesnet sits down with Charlie Fisher to discuss their first releases as an artist, getting started out of sheer love for pop music, and how the latter can morph into much more than a 3-minute radio anthem.

↓ Traduction en français ↓ | English transcript

Charlie Fisher - Vous reprendrez bien un peu de paillettes? Musique queer, maximalisme et le sens de la pop

Gabriel Chesnet
Salut, c'est Gabi !

Cyd Levine
Salut, c'est Cyd !

GC
Et bienvenue au Musicians’ Teatime.

CL
Nous avons la chance de recevoir notre tout premier invité, qui se trouve être un artiste d'Acid Airplane Records, Charlie Fisher, qui a cette merveilleuse pop bubblegum avec des accents synthé, c'est très nostalgique pour les enfants des années 2000, j'ai vraiment apprécié. C'est sincèrement fun à écouter.

GC
Oui, j’ai en fait rencontré Charlie à Londres il y a quelques années, et je suis tombé amoureux de son son et de sa vibe. Ayant été un artiste de scène toute sa vie, d'abord comme danseur, Charlie s'est tourné vers la pop des années 2000 et le son de son enfance pour s'inspirer dans la création de ces albums fabuleux et éthérés que nous allons couvrir au cours de cette interview. Malgré une courte carrière, je l'ai vu gagner en popularité sur les réseaux sociaux grâce à une communauté incroyablement solidaire et édifiante. Parlons donc de pop, de sentiments, d'art et des défis de l'époque !

CL
La dernière sortie de Charlie que je viens d'écouter, City Pop, donne vraiment envie de se lever et de bouger; ce qui est vraiment rafraîchissant à notre époque où l'on a envie de s'allonger sur le canapé toute la journée, alors je suis vraiment intéressée de l'entendre en parler ! Allons-y !

GC  
Bonjour Charlie Fisher, et bienvenue au premier épisode du podcast Musicians’ Teatime d'Acid Airplane Records. Ça fait longtemps qu’on y travaille, et je suis ravi de t'avoir comme premier invité !

Charlie Fisher
J'arrive pas à croire que je suis le premier invité. Quel honneur.

GC  
Tu l'es, en effet. En fait, j'ai contacté quelques personnes et malgré la situation, les gens semblent quand même assez occupés.

CF  
Oui, je connais. C'est pas juste. [GC : C'est pas juste.] Où trouvent-il toutes ces choses à faire ?

GC
Oui, je suis juste posé à la maison... c'est la situation européenne. Mais peu importe, qui es-tu, Charlie, que fais-tu ? Comment tu te décrirais ?

CF  
Oh mon Dieu, je fais... de mon mieux. C'est la chose la plus importante que les gens doivent savoir sur moi, je fais de mon mieux. Et je suis juste une personne qui fabrique des trucs et les diffuse là-dehors.

GC  
Tu fais des trucs, qu'est-ce que tu fais ? Depuis combien de temps tu le fais ?

CF  
Je fais donc de la musique depuis... on est en quelle année, 2021 ? Un an et demi maintenant, honnêtement, ça ne fait pas si longtemps que ça. Mais j'écris depuis probablement trois ou quatre ans à l'heure actuelle. Ouais, et donc, je fais juste de la musique pop gay débile. C'est honteusement basique, et j'adore ça.

GC  
Mais c'est génial. On l'attendait. C'est donc une carrière assez courte que tu as eue, mais elle a pris de l'ampleur.

CF  
Oui, je sais. Je sais. C'est tout ce que je peux dire. Ouais !

GC  
Tu en as été satisfait. 

CF  
Oui, j'ai passé un bon mois, à peu près.

GC  
Tu as donc sorti quelques premiers singles, puis l'année dernière, tu as sorti ce jeu de mots exceptionnel. Queerantine, c'est ça ?

CF  
C’est ça. Ouais, c'est comme la quarantaine, mais c'est gay.

GC  
Oh, c'est comme ça qu'on le prononce ? “Quarantine" ?

CF  
Oui, mais bon, tu sais, les accents.

GC  
Il y a donc eu Queerantine. Et puis tu as poursuivi en écrivant, en produisant et en faisant City Pop, c'est ça ?

CF  
Oui. Donc City Pop... J'ai écrit cette chanson en mai. Cette chanson a été très longue à venir.  Je l'ai écrite en mai et je me suis assis dessus pendant un petit moment. Parce que à l'époque, je travaillais sur mon album, mais je savais que je ne voulais pas la mettre sur le disque, parce que si je le faisais, ce serait précipité. Et ce ne serait pas le standard que je savais que cela devait être, alors je me suis assis dessus pendant un petit moment, et puis j'ai finalement pris contact avec Boysim pour le produire. Et je me suis dit : voilà, c'est ça. C'est la fille, c'est la bonne.

GC  
C'est la fille, c'est la vedette. Mais tu as sorti Dollar Perfume avant.

CF  
Oui, c'était l'été dernier. 

GC  
Et comment décrirais-tu tout cela ? Tu vois, cette pop gay, pétillante ? Est-ce que j'ai bien résumé ?

CF  
Ouais ! Oui, c'est vraiment juste que ce n'est pas grand, et ce n'est pas intelligent, et ça n'essaie pas de l'être.

GC  
Mais comment as-tu commencé ? C’est-à-dire, qu'est-ce qui a déclenché l'interrupteur dans ta tête ?

CF  
J'ai toujours aimé la musique pop. J'ai dû auparavant avertir les garçons dans ma vie amoureuse que je ne les aimerai jamais autant que j'aime la musique pop, qu'ont pourrait être ensemble pour toute la vie et que ça n'arriverait pas. Bon, ils ont généralement été d'accord avec ça, alors pas de problème. Mais oui, j'ai toujours aimé la musique pop. J'ai toujours su que je voulais faire de la pop, et je n'avais aucune idée de comment faire. Parce que, tu vois, j'ai suivi une formation de danseur. J'ai travaillé comme danseur, c'est mon parcours, et je n'avais aucune expérience dans l'écriture ou la production ou quoi que ce soit, mais j'ai en quelque sorte réalisé que pour faire de la musique pop, il faudrait que je l'écrive. Parce que, en fait, il n'y avait personne. Il n'y a personne qui débarque dans les DM d’un inconnu en disant : "Voilà une chanson, tu veux la chanter ?" Ce n'est pas un truc qui existe.

Alors je me disais, “Ok, donc je dois écrire des chansons pour pouvoir les chanter". J'ai donc passé deux ou trois ans à écrire des chansons, en essayant de faire de mon mieux pour trouver ce qui fait une bonne chanson pop. Et puis finalement, je me suis dit : "Ok, j'en ai marre de ne rien laisser entendre à personne". Alors j'ai commencé à... [GC : Tu t'es mis en avant.] Ouais, je me suis mis en avant et j'ai commencé, en quelque sorte… A cracher du contenu dans le vide qu'est l'Internet, dans l'espoir qu'il attire un peu l'attention de l'industrie de la musique moderne.

GC  
C'est un peu comme ça qu'on fait de nos jours, n'est-ce pas ? 

CF  
Oui, c'est la seule façon de le faire, hein ?

GC  
Tu as parlé d'écrire des chansons. Quel est ton processus d'écriture, si tu en as un ? Je veux dire, je sais que je n'en ai pas.

CF  
Oui, il est vraiment bizarre. Ca dépend du catalyseur de la chanson, car comme je l'ai dit, City Pop a été inspirée par une playlist qu'un ami m'avait envoyée - je ne sais pas si tu connaissez ce genre - mais City Pop est le nom de ce genre obscur de pop japonaise de la fin des années 70. [GC : Oui ! Plastic Love !] Ouais, Plastic Love ! Géniale, géniale cette chanson. J'ai écouté beaucoup de ça en même temps que beaucoup de Donna Summer, et beaucoup de disco, le vrai disco. Et je me disais : "Je veux juste vivre ça un petit peu. Je veux vivre cette fantaisie un peu et faire ce genre de musique pendant un certain temps". C'est donc de là que vient cette chanson. Une autre, le prochain single que je vais sortir, je ne sais pas quand ce podcast sera diffusé. Quand est-ce que le podcast va sortir ?

GC  
J'en ferai le montage cette semaine, et il devrait sortir entre le début et la mi-février.

CF  
Disons que lorsque ça sortira, on ne sera pas loin d'une annonce pour le prochain single, ce qui est cool, parce que c'est fini et c'est prêt. Et celui-là vient de... Je regardais une vidéo de Shangela, la drag queen, et le son a cessé de fonctionner. Je l'ai vue tournoyer et je me suis dit : "Je veux écrire cette chanson".

GC  
Oh, c'est une belle histoire d'origine.

CF  
C'est ridicule.

GC  
Tu as toujours du pain sur la planche pour ce qui est d'écrire des chansons. 

CF  
Oui, je n'arrête jamais. Je n'arrête jamais vraiment d'écrire des chansons. 

GC  
C'est super, parce que l'inspiration peut être vraiment difficile à trouver pour beaucoup de gens. 

CF  
Oui, c'est sûr. Je passe un peu par ces phases, comme tout le monde. Mais ça peut venir de n'importe où. Je suppose que j'ai juste de la chance de ne jamais traiter quoi que ce soit comme une idée stupide jusqu'à ce que je l'essaie et que ça ne marche pas, tu vois, mais je veux tout essayer.

GC  
Je pense que c'est un bon conseil, en fait. [CF : Ouais.] Pas de questions stupides, pas d'idées stupides.

CF 
Oui, exactement. C’est assez juste. Tu essaies certaines choses et elles ne marchent pas, mais ça arrive aussi dans l’autre sens. Alors autant se laisser aller à toutes sortes de pensées créatives et les laisser se produire. Parce qu'il n'y a pas d'obligation de tout sortir, alors autant faire ce que tu as enfin de faire.

GC  
Je sens que c'est un peu l'esprit de Charlie Fisher, de se faire plaisir.

CF  
Oh, oui. Oui, je suis très indulgent.

GC  
Je roulais sur l'autoroute tout à l'heure, au son de Rock Lobster des B-52's, fort... [CF : Oh ouais...] Tu vois, il pleuvait à verse, je commençais à faire de l'aquaplaning. Et je me suis dit, je veux dire, c'est ça la vie. C'était se faire plaisir, se livrer différemment. 

Donc, avant de sortir une de ces chansons- tu es assez maximaliste dans ce que tu fais. Et comment tu l'esquisses ? Tu as un genre de clavier MIDI ? Ou est-ce que tu enregistres juste sur les mémos vocaux de ton téléphone ?

CF  
(Rires) Si j'écris la chanson avant de faire une démo, alors oui, c'est un truc de mémo vocal. Je fais un mémo vocal, surtout pour ne pas oublier comment ça sonne, et j'écris les paroles, puis je reviens. Et avec d'autres choses, je produirai une démo - parce que je ne suis pas producteur, mais j'ai produit certains de mes trucs. Je produis une démo sur GarageBand, bêtement sur mon téléphone, et je vais voir comment ça marche. 

GC  
Rien de stupide, pas de mauvaises idées.

CF  
Pas de mauvaises idées. C'est un système qui fonctionne pour moi, mais dans le cas de City Pop, je pense que je l'ai écrit et que j'ai fait la démo le même jour, parce que je me sentais dingue ce jour-là. J'ai fait la démo sur mon téléphone, je me suis assis dessus pendant six mois, et je l'ai envoyée à mon ami Alex - AlexZone - et je me suis dit : "Il y a quelque chose qui manque et je ne pense pas pouvoir le terminer avec mes compétences", tout ça. Il a écouté une fois et il est allé l'envoyer à Boysim, il y a son nom partout dessus.

GC  
J'entends ce que font tes producteurs et tes divers collaborateurs, et c'est assez fou, le travail qu'ils font, dans le travail que tu fais, c'est une grande synergie de gens qui veulent faire ce son très énergique, très beau, qui fait vraiment revenir cette putain d'énergie pop maniaque des années 2000, alignée gay.

CF  
Oui, c'est tout à fait ça. Je m'assure que lorsque je travaille avec les gens, ils comprennent ce point de vue. C'est facile quand je travaille avec des gens que je connaissais avant de travailler avec, mais je m'assure qu'ils comprennent en quelque sorte ce point de vue. Il n'y a pas de risque d'aller trop loin avec ça. En termes d'énergie et d'autres choses, ça doit servir la chanson, et si la chanson doit être complètement folle, alors elle le devient.

GC  
Donc c'est bien plus que de la musique, c'est un état d'esprit total [CF : Ouais.] et quelque chose qui te tient à cœur.

CF 
Oui, je pense qu'il y a comme, surtout avec - pour ne pas tout ramener à City Pop, achetez City Pop sur iTunes - mais pour ne pas tout ramener à City Pop, mais en ce qui concerne City Pop et les autres morceaux que j'ai préparés à la sortie à un moment donné cette année ; j'imagine très bien qu'ils vivent tous dans le même univers cinématographique, si ça se tient. [GC: J’allais dire, ouais, l’univers cinématographique Charlie Fisher.] Elles vivent dans le même monde, et donc elles doivent toutes y aller aussi fort que les autres. Elles ont besoin d'être à leur place. En tant qu'artiste pop - c'est peut-être une opinion controversée - mais je pense qu'en tant qu'artiste pop, en tant que chanteur pop, le chanteur est un peu la partie la moins importante du puzzle. Tout doit servir la chanson.

GC  
Il y a donc tout un univers derrière tout ça.

CF  
Oui, je veux que la chanson évoque chez l'auditeur les mêmes images que celles que j'avais quand je l'ai écrite et tout ça, ce qui est probablement assez courant chez les créateurs de pop, je pense.

GC  
Eh bien, ça dépend. Je veux dire, tout le monde n'a pas le même type de production créative et d'idées originales, mais je pense que cela est lié au fait que tu sois à l'origine une sorte de comédien, en tant que danseur d'abord, tu as fait quelques shows. Et je suppose que tu étais aussi énergique que tu en as l'air.

CF  
Ouais ! Ouais, mon Dieu. J'ai suivi une formation de danseur, j'ai travaillé dans des contrats de danse, j'ai fait des comédies musicales et tout ça. Et il s'agit toujours de ce que tu donnes au public. Parce que tout est là. Parce que tu es là, et ils sont là. Il faut qu'il y ait un échange d'énergie, en quelque sorte. Je n'avais jamais pensé à ça auparavant, en fait, mais je pense que ce genre d'approche se retrouve dans ma musique. J'ai l'impression qu'il y a un échange, peut-être pas nécessairement d'idées, parce que ce n'est pas comme si je faisais quelque chose de révolutionnaire avec ma musique, et je n'essaie pas, ce n'est pas ma place. [GC : Tu t’amuses, simplement.] Oui, s'amuser et partager ce plaisir aux gens et leur permettre de s'amuser un peu, c'est... C'est une chose puissante. C'est ce que j'aime le plus dans la musique pop. Et si tu me demandais quels sont mes artistes préférés, ce seraient tous des gens qui, je pense, ont la même approche, qui dégagent - que ce soit de la joie ou non, ils dégagent de l'énergie, et ils te laissent vivre ce genre de moment avec eux.

GC  
Oui, la pop ne consiste pas toujours à être joyeux. Il y a de la pop triste, de la pop fâchée, de la pop chargée d'émotion. Je pense que c'est ce qui est puissant, comme tu dis. [CF: Oui, absolument.] Parce que tu t'épanouis grâce à l'énergie que tu dégages vers, et que tu récupères de ton public. Et bien que l'industrie de la musique live soit, tu sais, ce qu'elle est en ce moment, tu as quand même réussi à générer une grande quantité de créativité. D'où vient-elle ?

CF  
Oh, mon Dieu, d'où vient-elle ? Honnêtement, je ne sais pas. Je n'ai aucune idée d'où ça vient. Je pense que c'est en partie parce que je veux vraiment, vraiment être bon à ça. Je pense donc que ça se voit, et je pense que ça indique la quantité d'efforts que je vais fournir et la quantité de travail que je vais faire pour surmonter mes obstacles d'écriture ou tout autre problème, que tout vient du fait que je veux vraiment être bon dans ce domaine.

GC  
Donc tu le fais quoi qu'il arrive. 

CF  
Oui. Oui, parce que je vais devenir un peu fou si je ne fais pas ça, alors autant y être génial.

GC  
Alors, quand il s'agit de la réception, es-tu anxieux ? Qu'est-ce que ça fait d'être un artiste queer en musique ?

CF  
Tu sais, je ne suis pas forcément anxieux. Mais il y a toujours ce truc de regarder les chiffres et tout ça, et d'utiliser ça comme un signe de la qualité de la chanson. Mais ce genre de communauté queer pop que j'ai découvert depuis un an environ, depuis que je suis enfermé chez moi pour Dieu sait combien de temps, me soutient incroyablement et veut que tout le monde réussisse. Les gens de cette communauté, ils vont toujours s'accrocher pour aimer la bonne partie, et ils vont toujours te rappeler la bonne partie. Même si tu n'aimes plus une chanson, il y aura toujours quelqu'un dans cette communauté qui te dira : "J'aime vraiment celle-là".

GC  
Je pense que c'est un état d'esprit et une communauté très saine pour grandir et s'épanouir en tant que musicien.

CF  
Oui, vraiment. Je ne ferais pas la musique que je fais maintenant si ce n'était pas pour des gens comme ça, parce que j'ai rencontré tous mes collaborateurs actuels grâce à cette communauté. Les gens de cette communauté m'ont encouragé à continuer quand je n'en avais pas envie. Alors oui. C'est un petit monde formidable dont on peut faire partie.

GC  
Alors ce monde, cette identité et cette étiquette queer - ou quelque mot que tu souhaites récupérer ou non - c'est quelque chose qui te tient à cœur ?

CF  
Oui, je pense que c'est le cas. Ca vient en partie du fait que, tu sais, il est très facile de trouver d'autres personnes avec des points de vue similaires aux tiens dans une approche de ton travail quand tu utilises cette étiquette, parce que nous sommes tous un peu dedans pour les mêmes raisons et tout ça ; mais aussi, j'ai l'impression que même si je n'allais pas dire que je suis un artiste pop queer, j'ai l'impression que des personnes non queer le diraient quand même à mon sujet. [GC : Tu penses qu'ils le devineraient ?] Pitié ! Bien sûr qu'ils le sauraient. Donc c'est un de ces trucs, "je vais me l'approprier". Et je suis heureux de me l'approprier. 

GC  
Désolé de te couper. [CF : Non, non, c'est bon.] Donc ça ne te définit pas. Mais c'est quelque chose qui compte en tant que partie de ton identité en tant qu'artiste et en tant que personne.

CF 
Oui, complètement. Cela ne me définit pas assurément, mais d'une certaine manière, un peu.

GC  
Je comprends ce que tu veux dire, parce que parfois on peut être tenté de dire "ça ne me définit pas", mais ça t'aide aussi à trouver un sens de communauté [CF : Oui, complètement.], et à te rendre compte de ce que tu es, à dire "faites avec". C'est très années 2000 - début 2010 de dire que c'est "fabuleux", mais tu vois ce que je veux dire ? 

CF  
Oui, je me souviens quand la chanson Born This Way est sortie, en fait, j'étais évidemment jeune, gay, je me détestais. Je disais : “Berk, j'aime pas Lady Gaga". Mais maintenant, je me revois enfant et j'étais le plus grand fan de Steps de la planète - je le suis toujours - et j’étais à fond dans tous les groupes de filles qui sortaient quelque chose. Et je me suis dit, "Je suis vraiment né comme ça, hein". On allait pas me changer.

GC  
Alors quand tu te retournes vers ce gamin, il serait fier de toi aujourd'hui ? [CF: Ouais, oui.]. Et maintenant, tu travailles pour que ton futur toi te rende également fier ?

CF 
Oui, je veux avoir une œuvre qui, lorsque j'arrête de faire de la musique - ce qui arrivera, j'en suis sûr, à un moment donné, aussi longtemps qu'il y aura une période de ma vie où je ne ferai pas de musique, parce que c'est la vie -, je voudrais pouvoir regarder en arrière et me dire "ça valait le coup". Je pense que c'est ce que toute personne créative voudrait. Je ne pense pas qu'une personne créative voudrait pouvoir se souvenir de cette période de sa vie qui n'en vaut pas la peine. Dieu sait que je travaille assez dur à cette merde. J’ai le droit aux gros mots ? Désolé. [GC: Oui, bien sûr.] Oui, Dieu sait que je travaille assez dur à cette merde pour pouvoir me retourner et dire : "C'est vraiment bien, en fait".

GC
C'est un état d'esprit tellement agréable à avoir. Parce que ça casse un peu le moule de l'artiste affamé, tu vois, déprimé, négatif. Je veux dire, tout le monde peut être déprimé et la plupart des artistes sont souvent assez sacrément tristes, mais tu as cette attitude de "dégage, écarte-toi, pétasse" pour régler tes problèmes.

CF  
(Rires) Ouais ! Enfin, oui, je suis plutôt déprimé, bordel. Mais genre, c'est mon problème. Ce n'est le problème de personne d'autre.

GC  
Il s'agit d'y faire face.

CF  
Oui, je pense que la création est peut-être une partie de ma façon de faire face à ça.

GC  
C'est une chose très saine, je pense. 

CF  
Tu sais quoi, il y a des stratégies compensatoires bien pires que de faire des hymnes pop de fou, tu vois ?

GC  
Je ne suis pas psy, mais je pense que si ça t'aide, ça aidera d'autres personnes. Comme tu l'as dit, la pop peut avoir de très nombreuses façons d'avoir des effets sur les gens, de s'amuser et de ne pas nécessairement réfléchir très fort à la signification d'une chanson de dix minutes ou quoi. Donc se détendre, c'est quelque chose que nous devons apprendre à faire davantage en tant que musiciens.

CF  
Oui, complètement. Je pense qu'il y a quelque chose de vraiment puissant dans une chanson de trois minutes qui peut te faire ressentir quelque chose très profondément pendant trois minutes. Il y a comme une catharsis là dedans. Je ne veux pas paraître avoir l’air d'un total poptimiste d'Internet, mais je pense sincèrement que Into You d'Ariana Grande est l'une des meilleures chansons jamais écrites et produites, parce qu'elle t'emmène. Elle te transporte si intensément. On tire tellement de choses de cette chanson, et c'est mon but. Si je peux faire quelque chose d'aussi bien que ça, je serai heureux.

GC  
Oh, c'est magnifique. Elle a vraiment cette capacité à faire de la pop qui est… Tu vois, ces structures de chansons ne sont pas nécessairement compliquées. Elles n’ont rien de nouveau. Mais c'est toujours une question d'énergie et, tu sais ce qu'on dit, de "vibes".

CF  
Oui. Je dis toujours ça à propos de ma musique. Je ne suis pas ici pour essayer de réinventer la roue. Mais tu sais, la roue est si populaire depuis tant d'années parce qu'elle fonctionne.

GC  
Tu fais juste une roue avec des diamants et des paillettes dessus.

CF  
Tu vois ce que je veux dire ? Parfois, il suffit d'ajouter quelques pompons à la roue et c'est une roue plus jolie. (Rires)

GC  
Exactement, c'est comme le truc à Cendrillon... Comment ça s'appelle déjà ?

CF  
Les pantoufles de verre ? [GC : Non, le truc attaché aux chevaux.] Oh mon Dieu, oui, le carrosse. (Rires)

GC  
Voilà, tu fais les roues de ce magnifique carrosse. [CF : C'est tout à fait ça. (Rires)] Y a-t-il autre chose que tu voudrais ajouter avant qu'on dépasse le temps imparti ?

CF 
Oui, achetez City Pop sur iTunes- ou non, achetez-le sur Bandcamp parce que je gagne plus d'argent si vous l'achetez sur Bandcamp.

GC  
Il y a toujours les Bandcamp Fridays [CF: Ouais, c’est vrai!] Je pense qu'ils vont continuer jusqu'à ce qu'ils disent le contraire, donc si vous achetez City Pop, assurez-vous de l'acheter un vendredi, sur Bandcamp- et streamez, streamez toute oeuvre de Charlie, n'importe où sur votre plateforme préférée.

CF  
Ouais, streamez. Un stream c’est un stream, bébé. Écoutez ma musique. Ouais, elle est partout - Spotify, Apple Music, Tidal, tout ce que tu utilises. J'y suis. Et ouais, suivez-moi sur les réseaux sociaux et tout. Je suis un rigolo.

GC  
Tu es un rigolo. C'est vrai. [CF : La vérité.] Comme tu l'as dit, on peut s'attendre à de nouvelles annonces de ta part... [CF : Très bientôt.] Très bientôt. 

CF 
Oui. Très, très bientôt. Palpitant. Des choses excitantes.

GC  
Génial. Eh bien, merci d'être venu et d’avoir été une personne charmante.

CF  
Merci de me recevoir ! Merci.

GC  
Pas de problème ! J'espère que ce podcast continuera, parce que c'est sympa, je me suis bien amusé à boire mon thé. Même si ce n'est pas vraiment l'heure du thé vu qu'il est 11h du soir, mais...

CF  
Quoi, il est 11 heures chez toi ? Ou 11, 11 heures de l'après-midi ?

GC  
Non, 10 heures du soir. C’est ça, 10 heures. [CF : Ok. Oh, c'est pas si mal.] Hé, l'heure du thé  c’est quand tu veux tant que tu as le thé.

CF 
C'est l'heure du thé quand tu veux si tu travailles dur et que tu crois en toi.

CL
Musicians' Teatime est une production de Acid Airplane Records, animée par Gabriel Chesnet et Cyd Levine. Tous les épisodes sont accompagnés d'une transcription complète et d'une traduction en français sur le site web d'Acid Airplane Records. Merci de vous être joint(e) à nous aujourd'hui !

Episode #1: Charlie Fisher

↓ Traduction en français ↓ | English transcript

Gabriel Chesnet
Salut, c'est Gabi !

Cyd Levine
Salut, c'est Cyd !

GC
Et bienvenue au Musicians’ Teatime.

CL
Nous avons la chance de recevoir notre tout premier invité, qui se trouve être un artiste d'Acid Airplane Records, Charlie Fisher, qui a cette merveilleuse pop bubblegum avec des accents synthé, c'est très nostalgique pour les enfants des années 2000, j'ai vraiment apprécié. C'est sincèrement fun à écouter.

GC
Oui, j’ai en fait rencontré Charlie à Londres il y a quelques années, et je suis tombé amoureux de son son et de sa vibe. Ayant été un artiste de scène toute sa vie, d'abord comme danseur, Charlie s'est tourné vers la pop des années 2000 et le son de son enfance pour s'inspirer dans la création de ces albums fabuleux et éthérés que nous allons couvrir au cours de cette interview. Malgré une courte carrière, je l'ai vu gagner en popularité sur les réseaux sociaux grâce à une communauté incroyablement solidaire et édifiante. Parlons donc de pop, de sentiments, d'art et des défis de l'époque !

CL
La dernière sortie de Charlie que je viens d'écouter, City Pop, donne vraiment envie de se lever et de bouger; ce qui est vraiment rafraîchissant à notre époque où l'on a envie de s'allonger sur le canapé toute la journée, alors je suis vraiment intéressée de l'entendre en parler ! Allons-y !

GC  
Bonjour Charlie Fisher, et bienvenue au premier épisode du podcast Musicians’ Teatime d'Acid Airplane Records. Ça fait longtemps qu’on y travaille, et je suis ravi de t'avoir comme premier invité !

Charlie Fisher
J'arrive pas à croire que je suis le premier invité. Quel honneur.

GC  
Tu l'es, en effet. En fait, j'ai contacté quelques personnes et malgré la situation, les gens semblent quand même assez occupés.

CF  
Oui, je connais. C'est pas juste. [GC : C'est pas juste.] Où trouvent-il toutes ces choses à faire ?

GC
Oui, je suis juste posé à la maison... c'est la situation européenne. Mais peu importe, qui es-tu, Charlie, que fais-tu ? Comment tu te décrirais ?

CF  
Oh mon Dieu, je fais... de mon mieux. C'est la chose la plus importante que les gens doivent savoir sur moi, je fais de mon mieux. Et je suis juste une personne qui fabrique des trucs et les diffuse là-dehors.

GC  
Tu fais des trucs, qu'est-ce que tu fais ? Depuis combien de temps tu le fais ?

CF  
Je fais donc de la musique depuis... on est en quelle année, 2021 ? Un an et demi maintenant, honnêtement, ça ne fait pas si longtemps que ça. Mais j'écris depuis probablement trois ou quatre ans à l'heure actuelle. Ouais, et donc, je fais juste de la musique pop gay débile. C'est honteusement basique, et j'adore ça.

GC  
Mais c'est génial. On l'attendait. C'est donc une carrière assez courte que tu as eue, mais elle a pris de l'ampleur.

CF  
Oui, je sais. Je sais. C'est tout ce que je peux dire. Ouais !

GC  
Tu en as été satisfait. 

CF  
Oui, j'ai passé un bon mois, à peu près.

GC  
Tu as donc sorti quelques premiers singles, puis l'année dernière, tu as sorti ce jeu de mots exceptionnel. Queerantine, c'est ça ?

CF  
C’est ça. Ouais, c'est comme la quarantaine, mais c'est gay.

GC  
Oh, c'est comme ça qu'on le prononce ? “Quarantine" ?

CF  
Oui, mais bon, tu sais, les accents.

GC  
Il y a donc eu Queerantine. Et puis tu as poursuivi en écrivant, en produisant et en faisant City Pop, c'est ça ?

CF  
Oui. Donc City Pop... J'ai écrit cette chanson en mai. Cette chanson a été très longue à venir.  Je l'ai écrite en mai et je me suis assis dessus pendant un petit moment. Parce que à l'époque, je travaillais sur mon album, mais je savais que je ne voulais pas la mettre sur le disque, parce que si je le faisais, ce serait précipité. Et ce ne serait pas le standard que je savais que cela devait être, alors je me suis assis dessus pendant un petit moment, et puis j'ai finalement pris contact avec Boysim pour le produire. Et je me suis dit : voilà, c'est ça. C'est la fille, c'est la bonne.

GC  
C'est la fille, c'est la vedette. Mais tu as sorti Dollar Perfume avant.

CF  
Oui, c'était l'été dernier. 

GC  
Et comment décrirais-tu tout cela ? Tu vois, cette pop gay, pétillante ? Est-ce que j'ai bien résumé ?

CF  
Ouais ! Oui, c'est vraiment juste que ce n'est pas grand, et ce n'est pas intelligent, et ça n'essaie pas de l'être.

GC  
Mais comment as-tu commencé ? C’est-à-dire, qu'est-ce qui a déclenché l'interrupteur dans ta tête ?

CF  
J'ai toujours aimé la musique pop. J'ai dû auparavant avertir les garçons dans ma vie amoureuse que je ne les aimerai jamais autant que j'aime la musique pop, qu'ont pourrait être ensemble pour toute la vie et que ça n'arriverait pas. Bon, ils ont généralement été d'accord avec ça, alors pas de problème. Mais oui, j'ai toujours aimé la musique pop. J'ai toujours su que je voulais faire de la pop, et je n'avais aucune idée de comment faire. Parce que, tu vois, j'ai suivi une formation de danseur. J'ai travaillé comme danseur, c'est mon parcours, et je n'avais aucune expérience dans l'écriture ou la production ou quoi que ce soit, mais j'ai en quelque sorte réalisé que pour faire de la musique pop, il faudrait que je l'écrive. Parce que, en fait, il n'y avait personne. Il n'y a personne qui débarque dans les DM d’un inconnu en disant : "Voilà une chanson, tu veux la chanter ?" Ce n'est pas un truc qui existe.

Alors je me disais, “Ok, donc je dois écrire des chansons pour pouvoir les chanter". J'ai donc passé deux ou trois ans à écrire des chansons, en essayant de faire de mon mieux pour trouver ce qui fait une bonne chanson pop. Et puis finalement, je me suis dit : "Ok, j'en ai marre de ne rien laisser entendre à personne". Alors j'ai commencé à... [GC : Tu t'es mis en avant.] Ouais, je me suis mis en avant et j'ai commencé, en quelque sorte… A cracher du contenu dans le vide qu'est l'Internet, dans l'espoir qu'il attire un peu l'attention de l'industrie de la musique moderne.

GC  
C'est un peu comme ça qu'on fait de nos jours, n'est-ce pas ? 

CF  
Oui, c'est la seule façon de le faire, hein ?

GC  
Tu as parlé d'écrire des chansons. Quel est ton processus d'écriture, si tu en as un ? Je veux dire, je sais que je n'en ai pas.

CF  
Oui, il est vraiment bizarre. Ca dépend du catalyseur de la chanson, car comme je l'ai dit, City Pop a été inspirée par une playlist qu'un ami m'avait envoyée - je ne sais pas si tu connaissez ce genre - mais City Pop est le nom de ce genre obscur de pop japonaise de la fin des années 70. [GC : Oui ! Plastic Love !] Ouais, Plastic Love ! Géniale, géniale cette chanson. J'ai écouté beaucoup de ça en même temps que beaucoup de Donna Summer, et beaucoup de disco, le vrai disco. Et je me disais : "Je veux juste vivre ça un petit peu. Je veux vivre cette fantaisie un peu et faire ce genre de musique pendant un certain temps". C'est donc de là que vient cette chanson. Une autre, le prochain single que je vais sortir, je ne sais pas quand ce podcast sera diffusé. Quand est-ce que le podcast va sortir ?

GC  
J'en ferai le montage cette semaine, et il devrait sortir entre le début et la mi-février.

CF  
Disons que lorsque ça sortira, on ne sera pas loin d'une annonce pour le prochain single, ce qui est cool, parce que c'est fini et c'est prêt. Et celui-là vient de... Je regardais une vidéo de Shangela, la drag queen, et le son a cessé de fonctionner. Je l'ai vue tournoyer et je me suis dit : "Je veux écrire cette chanson".

GC  
Oh, c'est une belle histoire d'origine.

CF  
C'est ridicule.

GC  
Tu as toujours du pain sur la planche pour ce qui est d'écrire des chansons. 

CF  
Oui, je n'arrête jamais. Je n'arrête jamais vraiment d'écrire des chansons. 

GC  
C'est super, parce que l'inspiration peut être vraiment difficile à trouver pour beaucoup de gens. 

CF  
Oui, c'est sûr. Je passe un peu par ces phases, comme tout le monde. Mais ça peut venir de n'importe où. Je suppose que j'ai juste de la chance de ne jamais traiter quoi que ce soit comme une idée stupide jusqu'à ce que je l'essaie et que ça ne marche pas, tu vois, mais je veux tout essayer.

GC  
Je pense que c'est un bon conseil, en fait. [CF : Ouais.] Pas de questions stupides, pas d'idées stupides.

CF 
Oui, exactement. C’est assez juste. Tu essaies certaines choses et elles ne marchent pas, mais ça arrive aussi dans l’autre sens. Alors autant se laisser aller à toutes sortes de pensées créatives et les laisser se produire. Parce qu'il n'y a pas d'obligation de tout sortir, alors autant faire ce que tu as enfin de faire.

GC  
Je sens que c'est un peu l'esprit de Charlie Fisher, de se faire plaisir.

CF  
Oh, oui. Oui, je suis très indulgent.

GC  
Je roulais sur l'autoroute tout à l'heure, au son de Rock Lobster des B-52's, fort... [CF : Oh ouais...] Tu vois, il pleuvait à verse, je commençais à faire de l'aquaplaning. Et je me suis dit, je veux dire, c'est ça la vie. C'était se faire plaisir, se livrer différemment. 

Donc, avant de sortir une de ces chansons- tu es assez maximaliste dans ce que tu fais. Et comment tu l'esquisses ? Tu as un genre de clavier MIDI ? Ou est-ce que tu enregistres juste sur les mémos vocaux de ton téléphone ?

CF  
(Rires) Si j'écris la chanson avant de faire une démo, alors oui, c'est un truc de mémo vocal. Je fais un mémo vocal, surtout pour ne pas oublier comment ça sonne, et j'écris les paroles, puis je reviens. Et avec d'autres choses, je produirai une démo - parce que je ne suis pas producteur, mais j'ai produit certains de mes trucs. Je produis une démo sur GarageBand, bêtement sur mon téléphone, et je vais voir comment ça marche. 

GC  
Rien de stupide, pas de mauvaises idées.

CF  
Pas de mauvaises idées. C'est un système qui fonctionne pour moi, mais dans le cas de City Pop, je pense que je l'ai écrit et que j'ai fait la démo le même jour, parce que je me sentais dingue ce jour-là. J'ai fait la démo sur mon téléphone, je me suis assis dessus pendant six mois, et je l'ai envoyée à mon ami Alex - AlexZone - et je me suis dit : "Il y a quelque chose qui manque et je ne pense pas pouvoir le terminer avec mes compétences", tout ça. Il a écouté une fois et il est allé l'envoyer à Boysim, il y a son nom partout dessus.

GC  
J'entends ce que font tes producteurs et tes divers collaborateurs, et c'est assez fou, le travail qu'ils font, dans le travail que tu fais, c'est une grande synergie de gens qui veulent faire ce son très énergique, très beau, qui fait vraiment revenir cette putain d'énergie pop maniaque des années 2000, alignée gay.

CF  
Oui, c'est tout à fait ça. Je m'assure que lorsque je travaille avec les gens, ils comprennent ce point de vue. C'est facile quand je travaille avec des gens que je connaissais avant de travailler avec, mais je m'assure qu'ils comprennent en quelque sorte ce point de vue. Il n'y a pas de risque d'aller trop loin avec ça. En termes d'énergie et d'autres choses, ça doit servir la chanson, et si la chanson doit être complètement folle, alors elle le devient.

GC  
Donc c'est bien plus que de la musique, c'est un état d'esprit total [CF : Ouais.] et quelque chose qui te tient à cœur.

CF 
Oui, je pense qu'il y a comme, surtout avec - pour ne pas tout ramener à City Pop, achetez City Pop sur iTunes - mais pour ne pas tout ramener à City Pop, mais en ce qui concerne City Pop et les autres morceaux que j'ai préparés à la sortie à un moment donné cette année ; j'imagine très bien qu'ils vivent tous dans le même univers cinématographique, si ça se tient. [GC: J’allais dire, ouais, l’univers cinématographique Charlie Fisher.] Elles vivent dans le même monde, et donc elles doivent toutes y aller aussi fort que les autres. Elles ont besoin d'être à leur place. En tant qu'artiste pop - c'est peut-être une opinion controversée - mais je pense qu'en tant qu'artiste pop, en tant que chanteur pop, le chanteur est un peu la partie la moins importante du puzzle. Tout doit servir la chanson.

GC  
Il y a donc tout un univers derrière tout ça.

CF  
Oui, je veux que la chanson évoque chez l'auditeur les mêmes images que celles que j'avais quand je l'ai écrite et tout ça, ce qui est probablement assez courant chez les créateurs de pop, je pense.

GC  
Eh bien, ça dépend. Je veux dire, tout le monde n'a pas le même type de production créative et d'idées originales, mais je pense que cela est lié au fait que tu sois à l'origine une sorte de comédien, en tant que danseur d'abord, tu as fait quelques shows. Et je suppose que tu étais aussi énergique que tu en as l'air.

CF  
Ouais ! Ouais, mon Dieu. J'ai suivi une formation de danseur, j'ai travaillé dans des contrats de danse, j'ai fait des comédies musicales et tout ça. Et il s'agit toujours de ce que tu donnes au public. Parce que tout est là. Parce que tu es là, et ils sont là. Il faut qu'il y ait un échange d'énergie, en quelque sorte. Je n'avais jamais pensé à ça auparavant, en fait, mais je pense que ce genre d'approche se retrouve dans ma musique. J'ai l'impression qu'il y a un échange, peut-être pas nécessairement d'idées, parce que ce n'est pas comme si je faisais quelque chose de révolutionnaire avec ma musique, et je n'essaie pas, ce n'est pas ma place. [GC : Tu t’amuses, simplement.] Oui, s'amuser et partager ce plaisir aux gens et leur permettre de s'amuser un peu, c'est... C'est une chose puissante. C'est ce que j'aime le plus dans la musique pop. Et si tu me demandais quels sont mes artistes préférés, ce seraient tous des gens qui, je pense, ont la même approche, qui dégagent - que ce soit de la joie ou non, ils dégagent de l'énergie, et ils te laissent vivre ce genre de moment avec eux.

GC  
Oui, la pop ne consiste pas toujours à être joyeux. Il y a de la pop triste, de la pop fâchée, de la pop chargée d'émotion. Je pense que c'est ce qui est puissant, comme tu dis. [CF: Oui, absolument.] Parce que tu t'épanouis grâce à l'énergie que tu dégages vers, et que tu récupères de ton public. Et bien que l'industrie de la musique live soit, tu sais, ce qu'elle est en ce moment, tu as quand même réussi à générer une grande quantité de créativité. D'où vient-elle ?

CF  
Oh, mon Dieu, d'où vient-elle ? Honnêtement, je ne sais pas. Je n'ai aucune idée d'où ça vient. Je pense que c'est en partie parce que je veux vraiment, vraiment être bon à ça. Je pense donc que ça se voit, et je pense que ça indique la quantité d'efforts que je vais fournir et la quantité de travail que je vais faire pour surmonter mes obstacles d'écriture ou tout autre problème, que tout vient du fait que je veux vraiment être bon dans ce domaine.

GC  
Donc tu le fais quoi qu'il arrive. 

CF  
Oui. Oui, parce que je vais devenir un peu fou si je ne fais pas ça, alors autant y être génial.

GC  
Alors, quand il s'agit de la réception, es-tu anxieux ? Qu'est-ce que ça fait d'être un artiste queer en musique ?

CF  
Tu sais, je ne suis pas forcément anxieux. Mais il y a toujours ce truc de regarder les chiffres et tout ça, et d'utiliser ça comme un signe de la qualité de la chanson. Mais ce genre de communauté queer pop que j'ai découvert depuis un an environ, depuis que je suis enfermé chez moi pour Dieu sait combien de temps, me soutient incroyablement et veut que tout le monde réussisse. Les gens de cette communauté, ils vont toujours s'accrocher pour aimer la bonne partie, et ils vont toujours te rappeler la bonne partie. Même si tu n'aimes plus une chanson, il y aura toujours quelqu'un dans cette communauté qui te dira : "J'aime vraiment celle-là".

GC  
Je pense que c'est un état d'esprit et une communauté très saine pour grandir et s'épanouir en tant que musicien.

CF  
Oui, vraiment. Je ne ferais pas la musique que je fais maintenant si ce n'était pas pour des gens comme ça, parce que j'ai rencontré tous mes collaborateurs actuels grâce à cette communauté. Les gens de cette communauté m'ont encouragé à continuer quand je n'en avais pas envie. Alors oui. C'est un petit monde formidable dont on peut faire partie.

GC  
Alors ce monde, cette identité et cette étiquette queer - ou quelque mot que tu souhaites récupérer ou non - c'est quelque chose qui te tient à cœur ?

CF  
Oui, je pense que c'est le cas. Ca vient en partie du fait que, tu sais, il est très facile de trouver d'autres personnes avec des points de vue similaires aux tiens dans une approche de ton travail quand tu utilises cette étiquette, parce que nous sommes tous un peu dedans pour les mêmes raisons et tout ça ; mais aussi, j'ai l'impression que même si je n'allais pas dire que je suis un artiste pop queer, j'ai l'impression que des personnes non queer le diraient quand même à mon sujet. [GC : Tu penses qu'ils le devineraient ?] Pitié ! Bien sûr qu'ils le sauraient. Donc c'est un de ces trucs, "je vais me l'approprier". Et je suis heureux de me l'approprier. 

GC  
Désolé de te couper. [CF : Non, non, c'est bon.] Donc ça ne te définit pas. Mais c'est quelque chose qui compte en tant que partie de ton identité en tant qu'artiste et en tant que personne.

CF 
Oui, complètement. Cela ne me définit pas assurément, mais d'une certaine manière, un peu.

GC  
Je comprends ce que tu veux dire, parce que parfois on peut être tenté de dire "ça ne me définit pas", mais ça t'aide aussi à trouver un sens de communauté [CF : Oui, complètement.], et à te rendre compte de ce que tu es, à dire "faites avec". C'est très années 2000 - début 2010 de dire que c'est "fabuleux", mais tu vois ce que je veux dire ? 

CF  
Oui, je me souviens quand la chanson Born This Way est sortie, en fait, j'étais évidemment jeune, gay, je me détestais. Je disais : “Berk, j'aime pas Lady Gaga". Mais maintenant, je me revois enfant et j'étais le plus grand fan de Steps de la planète - je le suis toujours - et j’étais à fond dans tous les groupes de filles qui sortaient quelque chose. Et je me suis dit, "Je suis vraiment né comme ça, hein". On allait pas me changer.

GC  
Alors quand tu te retournes vers ce gamin, il serait fier de toi aujourd'hui ? [CF: Ouais, oui.]. Et maintenant, tu travailles pour que ton futur toi te rende également fier ?

CF 
Oui, je veux avoir une œuvre qui, lorsque j'arrête de faire de la musique - ce qui arrivera, j'en suis sûr, à un moment donné, aussi longtemps qu'il y aura une période de ma vie où je ne ferai pas de musique, parce que c'est la vie -, je voudrais pouvoir regarder en arrière et me dire "ça valait le coup". Je pense que c'est ce que toute personne créative voudrait. Je ne pense pas qu'une personne créative voudrait pouvoir se souvenir de cette période de sa vie qui n'en vaut pas la peine. Dieu sait que je travaille assez dur à cette merde. J’ai le droit aux gros mots ? Désolé. [GC: Oui, bien sûr.] Oui, Dieu sait que je travaille assez dur à cette merde pour pouvoir me retourner et dire : "C'est vraiment bien, en fait".

GC
C'est un état d'esprit tellement agréable à avoir. Parce que ça casse un peu le moule de l'artiste affamé, tu vois, déprimé, négatif. Je veux dire, tout le monde peut être déprimé et la plupart des artistes sont souvent assez sacrément tristes, mais tu as cette attitude de "dégage, écarte-toi, pétasse" pour régler tes problèmes.

CF  
(Rires) Ouais ! Enfin, oui, je suis plutôt déprimé, bordel. Mais genre, c'est mon problème. Ce n'est le problème de personne d'autre.

GC  
Il s'agit d'y faire face.

CF  
Oui, je pense que la création est peut-être une partie de ma façon de faire face à ça.

GC  
C'est une chose très saine, je pense. 

CF  
Tu sais quoi, il y a des stratégies compensatoires bien pires que de faire des hymnes pop de fou, tu vois ?

GC  
Je ne suis pas psy, mais je pense que si ça t'aide, ça aidera d'autres personnes. Comme tu l'as dit, la pop peut avoir de très nombreuses façons d'avoir des effets sur les gens, de s'amuser et de ne pas nécessairement réfléchir très fort à la signification d'une chanson de dix minutes ou quoi. Donc se détendre, c'est quelque chose que nous devons apprendre à faire davantage en tant que musiciens.

CF  
Oui, complètement. Je pense qu'il y a quelque chose de vraiment puissant dans une chanson de trois minutes qui peut te faire ressentir quelque chose très profondément pendant trois minutes. Il y a comme une catharsis là dedans. Je ne veux pas paraître avoir l’air d'un total poptimiste d'Internet, mais je pense sincèrement que Into You d'Ariana Grande est l'une des meilleures chansons jamais écrites et produites, parce qu'elle t'emmène. Elle te transporte si intensément. On tire tellement de choses de cette chanson, et c'est mon but. Si je peux faire quelque chose d'aussi bien que ça, je serai heureux.

GC  
Oh, c'est magnifique. Elle a vraiment cette capacité à faire de la pop qui est… Tu vois, ces structures de chansons ne sont pas nécessairement compliquées. Elles n’ont rien de nouveau. Mais c'est toujours une question d'énergie et, tu sais ce qu'on dit, de "vibes".

CF  
Oui. Je dis toujours ça à propos de ma musique. Je ne suis pas ici pour essayer de réinventer la roue. Mais tu sais, la roue est si populaire depuis tant d'années parce qu'elle fonctionne.

GC  
Tu fais juste une roue avec des diamants et des paillettes dessus.

CF  
Tu vois ce que je veux dire ? Parfois, il suffit d'ajouter quelques pompons à la roue et c'est une roue plus jolie. (Rires)

GC  
Exactement, c'est comme le truc à Cendrillon... Comment ça s'appelle déjà ?

CF  
Les pantoufles de verre ? [GC : Non, le truc attaché aux chevaux.] Oh mon Dieu, oui, le carrosse. (Rires)

GC  
Voilà, tu fais les roues de ce magnifique carrosse. [CF : C'est tout à fait ça. (Rires)] Y a-t-il autre chose que tu voudrais ajouter avant qu'on dépasse le temps imparti ?

CF 
Oui, achetez City Pop sur iTunes- ou non, achetez-le sur Bandcamp parce que je gagne plus d'argent si vous l'achetez sur Bandcamp.

GC  
Il y a toujours les Bandcamp Fridays [CF: Ouais, c’est vrai!] Je pense qu'ils vont continuer jusqu'à ce qu'ils disent le contraire, donc si vous achetez City Pop, assurez-vous de l'acheter un vendredi, sur Bandcamp- et streamez, streamez toute oeuvre de Charlie, n'importe où sur votre plateforme préférée.

CF  
Ouais, streamez. Un stream c’est un stream, bébé. Écoutez ma musique. Ouais, elle est partout - Spotify, Apple Music, Tidal, tout ce que tu utilises. J'y suis. Et ouais, suivez-moi sur les réseaux sociaux et tout. Je suis un rigolo.

GC  
Tu es un rigolo. C'est vrai. [CF : La vérité.] Comme tu l'as dit, on peut s'attendre à de nouvelles annonces de ta part... [CF : Très bientôt.] Très bientôt. 

CF 
Oui. Très, très bientôt. Palpitant. Des choses excitantes.

GC  
Génial. Eh bien, merci d'être venu et d’avoir été une personne charmante.

CF  
Merci de me recevoir ! Merci.

GC  
Pas de problème ! J'espère que ce podcast continuera, parce que c'est sympa, je me suis bien amusé à boire mon thé. Même si ce n'est pas vraiment l'heure du thé vu qu'il est 11h du soir, mais...

CF  
Quoi, il est 11 heures chez toi ? Ou 11, 11 heures de l'après-midi ?

GC  
Non, 10 heures du soir. C’est ça, 10 heures. [CF : Ok. Oh, c'est pas si mal.] Hé, l'heure du thé  c’est quand tu veux tant que tu as le thé.

CF 
C'est l'heure du thé quand tu veux si tu travailles dur et que tu crois en toi.

CL
Musicians' Teatime est une production de Acid Airplane Records, animée par Gabriel Chesnet et Cyd Levine. Tous les épisodes sont accompagnés d'une transcription complète et d'une traduction en français sur le site web d'Acid Airplane Records. Merci de vous être joint(e) à nous aujourd'hui !